Les bons et les mauvais jeux
"C'est une question d'équilibre" (Francis Cabrel, philosophe taoïste). |
Quelle est la quintessence de l'art vidéoludique ? Question ardue s'il en est ! Et pour tenter d'y répondre, ce blog propose une adaptation plagiaire, parfaitement éhontée et complètement assumée, d'un passage de l'épisode de Chroma consacré à Carnosaur réalisé par le génial Karim Debbache avec le concours de ses deux facétieux acolytes, Gilles Stella et Jérémy Morvan. Dans cet épisode, Karim propose une définition du cinéma à laquelle je souscris entièrement et que j'ai souhaité transposer ici au vidéoludisme.
Cette interrogation quasi-métaphysique sous-tend les questions plus basiques qui reviennent sempiternellement sur les forums et les chats (avec ou sans modération !), quant à savoir quel est le meilleur opus de telle ou telle série, ou si tel ou tel jeu est une daube finie ou un chef d'œuvre absolu.
Comme ancrage concret et vécu, ce billet se base sur le débat qui s'est déroulé récemment lors d'un stream du soyeux Axorm, à propos de Persona 4 : s'agit-il d'un bon jeu, notamment en comparaison aux autres épisodes de la saga Persona ?
Comme ancrage concret et vécu, ce billet se base sur le débat qui s'est déroulé récemment lors d'un stream du soyeux Axorm, à propos de Persona 4 : s'agit-il d'un bon jeu, notamment en comparaison aux autres épisodes de la saga Persona ?
Comme annoncé en incipit, voici donc mon palimpseste de la diatribe de Karim Debbache :
"Ce jeu vidéo, Persona 4 en l’occurrence, n’est pas forcément réussi, loin s'en faut. Mais il n’en reste pas moins un intéressant objet de réflexion. Et c’est le cas de tous les jeux vidéo.
Comprendre l’histoire des jeux vidéo uniquement comme une succession de studios de développement géniaux qui inventent des choses géniales, dans des jeux géniaux, sur des plateformes géniales, est une grossière erreur.
"Ce jeu vidéo, Persona 4 en l’occurrence, n’est pas forcément réussi, loin s'en faut. Mais il n’en reste pas moins un intéressant objet de réflexion. Et c’est le cas de tous les jeux vidéo.
Comprendre l’histoire des jeux vidéo uniquement comme une succession de studios de développement géniaux qui inventent des choses géniales, dans des jeux géniaux, sur des plateformes géniales, est une grossière erreur.
Que des jeux cultes nous servent de points de repère qui nous permettent de nous situer chronologiquement, d’accord. Mais on ne peut pas considérer que ce sont ces jeux à eux seuls qui constituent l’histoire des jeux vidéo. Déjà parce que cela nous fait passer à côté de jeux négligés, car sortis dans l'ombre de blockbusters triple A, et qui disparaissent dans l’oubli. Mais surtout parce que ça donne une vision réductrice et donc biaisée, de ce qu’est le vidéoludisme en tant qu’art à part entière, à l’instar du cinéma.
Donner une définition du vidéoludisme consiste à échantillonner un flux de pensées humaines. Et ce processus a toujours été fait à partir de sensations et de jugements de valeurs, éminemment subjectifs. On a deux cases : bon jeu et mauvais jeu. Le problème c’est que même s’il existe un bon goût absolu, ces critères sont forcément arbitraires.
Essayez d’imaginer votre collection de jeux vidéo comme une palette de couleurs. Imaginez que chaque jeu est une nuance de couleur. On a tous nos couleurs préférées et parfois on aimerait sûrement que notre monde ne soit fait que de cette couleur. Mais y a un moment où il faut commencer à admettre que ce serait n’importe quoi. Une couleur, ce n’est pas une chose physique posée sur des objets. C’est une sensation, une sensation qui naît de la perception humaine.
Pour que l’expérience vidéoludique existe, il faut ce que l’équipe de développement propose, ce que notre œil et notre oreille reçoivent, ce que notre cerveau comprend, ce qu’on ressent manette en main, ce qu'on partage avec des potes en expérimentant le jeu. C’est cette somme qui constitue le jeu sur lequel nous appliquons un jugement ou une critique.
Le corpus de bons jeux auxquels on choisit de donner de l’attention n’a pas vraiment d’importance parce que tant qu’on parle d’un jeu, on parle de jeux vidéo et on fait vivre le vidéoludisme, tout le vidéoludisme. Ça inclut tous les jeux, y compris ceux qu’on déteste. Sinon comment comprendre le succès phénoménal du Joueur du Grenier qui ne s’attaque qu’aux pires jeux de l’univers ? Et que serait un marathon Games Done Quick sans le segment des Awful Games (nota bene : pour me faire mentir, il n'y en a pas eu à la SGDQ2017...) ?
Pour que l’expérience vidéoludique existe, il faut ce que l’équipe de développement propose, ce que notre œil et notre oreille reçoivent, ce que notre cerveau comprend, ce qu’on ressent manette en main, ce qu'on partage avec des potes en expérimentant le jeu. C’est cette somme qui constitue le jeu sur lequel nous appliquons un jugement ou une critique.
Le corpus de bons jeux auxquels on choisit de donner de l’attention n’a pas vraiment d’importance parce que tant qu’on parle d’un jeu, on parle de jeux vidéo et on fait vivre le vidéoludisme, tout le vidéoludisme. Ça inclut tous les jeux, y compris ceux qu’on déteste. Sinon comment comprendre le succès phénoménal du Joueur du Grenier qui ne s’attaque qu’aux pires jeux de l’univers ? Et que serait un marathon Games Done Quick sans le segment des Awful Games (nota bene : pour me faire mentir, il n'y en a pas eu à la SGDQ2017...) ?
Tant qu’il y aura des gens pour jouer aux jeux vidéo, streamer leurs parties et en parler quel que soit les jeux vidéo en question, le vidéoludisme continuera d’exister, de la plus infecte merde au chef d’œuvre ultime.
Et tout le monde gagne, FF VI et VII, Zelda OoT et TWW, Persona 3 et 4, ... la liste est sans fin. Et si tout le monde gagne, personne ne perd. Donc on a gagné, cool !"
Ainsi, de la même manière qu'on peut analyser les intentions derrière Carnosaur à la lumière de Jurassic Park, on peut analyser les propositions de Persona 4 au regard de Persona 3, et réciproquement. C'est cette analyse croisée entre les différents jeux auxquels on a joué qui fait toute la richesse et la saveur de notre expérience vidéoludique, et qui va aiguiser notre acuité pour apprécier les multiples facettes d'un nouveau jeu : son l'histoire, son atmosphère, son gameplay, les personnages, le rythme, l'écriture, les graphismes, les musiques, etc. En agrégeant mentalement ces diverses facettes, il en ressort une boule à facettes (sic !) qui reflète notre impression globale et personnelle sur le jeu, et ce à un moment donné, car ce ressenti évoluera au fil du temps.
A la condition sine qua non que l'on se donne la peine de faire un jeu par soi-même ou de le regarder faire par autrui (il manquera dans ce cas, l'expérimentation du gameplay), et ce dans son intégralité autant que possible, on se rend compte avec évidence qu'il n'est pas possible de porter un jugement péremptoire et catégorique sur un jeu. Car, même si le jeu est complètement raté ou même si les intentions derrière le jeu sont parfois moches et inavouables, il n'en demeure pas moins que plusieurs personnes se sont investies pendant plusieurs mois dans sa réalisation, avec pour objectif de divertir un public. Cette démarche et ce travail de création imposent le respect et, à ce titre, tous les jeux sans exception, les plus fabuleusement bons comme les plus effroyablement mauvais, méritent du temps de notre cerveau.
En agissant ainsi, nous participons au "processus d'échantillonnage d'un flux de pensées humaines" et nous touchons du doigt la quintessence de l'art vidéoludique. Et de nous extasier : "Quel pied, ah quel pied ! Oh putain ! Olalala !".
En agissant ainsi, nous participons au "processus d'échantillonnage d'un flux de pensées humaines" et nous touchons du doigt la quintessence de l'art vidéoludique. Et de nous extasier : "Quel pied, ah quel pied ! Oh putain ! Olalala !".
Liens :
- La chaîne Dailymotion de Karim Debbache avec toutes ses productions (Chroma, mais aussi Crossed et Le screen était presque parfait)
- La chaîne Twitch d'Axorm qui propose des chill-streams de jeux divers et variés (longue vie à la Weeb TV !)
- La page Wikipédia de la série Persona (attention aux spoilers !)
- Le site du Joueur Du Grenier dès fois que vous ne connaîtriez pas ( ͡° ͜ʖ ͡°)
- Le site de Games Done Quick.
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